Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des gens

Antoine Marcelin

Antoine Marcelin est né en 1842 à Pont-Château, dans le comté de Soulanges, au sud-ouest de Montréal. On ignore à peu près tout de son enfance, sauf qu'il a le goût des voyages et de l'aventure. Il vient tout juste d'avoir 18 ans quand il part pour la Californie. Il y habite quelques années, quoiqu'il soit impossible de préciser s'il y séjourne jusqu'à son établissement à Victoria en 1866. Le jeune homme s'y livre vraisemblement au commerce. On le retrouve à Saint-Albert, près d'Edmonton, quelques années plus tard, et on sait de façon certaine qu'il vit là pendant trois ans. Puis, il se lance sur la piste Carlton afin d'aller tenter fortune au Manitoba. La piste passe d'ailleurs à peu de distance du lac Muskeg, où il reviendra s'installer deux décennies plus tard. Au Manitoba, il se réserve un homestead, dont il obtient les lettres patentes en 1874 ou 1875.
En 1889, on le retrouve à Olga, dans le coin nord-est du Dakota Nord, où se trouve une très forte colonie de Canadiens français. Il est certain qu'il a déjà fait la connaissance du père Mélasyppe Paquette, o.m.i., établi à la mission Notre-Dame-de-Pontmain, sur la réserve indienne du lac Muskeg en Saskatchewan. Le père Paquette a joué un rôle vital lors de l'insurrection de Batoche, en parvenant à convaincre les Cris du lac Vert de ne pas déterrer la hache de guerre. Il invite Antoine Marcelin à lui rendre visite et, grand voyageur dans l'âme, ce dernier accepte l'invitation, explore le district et se déclare enchanté des possibilités de traite avec les Indiens du lac Muskeg et des alentours.

À la mi-janvier 1890, Antoine Marcelin arrive à Duck Lake avec son épouse, sa fille adoptive Aldina et deux autres hommes. Après quelques semaines de repos, la petite troupe complète le voyage vers la réserve indienne en démocrate et en traîneau. Pendant qu'Aldina, âgée d'à peine 16 ans, enseigne à l'école de la mission, M. Marcelin ouvre un petit magasin et se livre à la traite dans une très vaste région du Nord, qui s'étend jusqu'à l'Île-à-la-Crosse. Il explore plus à loisir les régions avoisinantes et y découvre de riches terrains au sud-est du lac. Il est bien évidemment encore trop tôt pour songer à mettre les terres en culture, mais l'élevage des animaux est déjà d'un bon rapport. Vers 1892, Antoine Marcelin installe sa famille à Duck Lake, où l'on prévoit la construction d'une grande école indienne. Celle-ci ouvre ses portes à l'automne de 1894 et le père Paquette est nommé principal. Aldina et son mari, Alexandre Venne, y font la classe, tandis que M. Marcelin continue à se livrer à la traite des fourrures et au commerce.

À la fin de juillet 1901, il se réserve un homestead à peu de distance du site actuel de Marcelin, dans un district que les Cris nomment sequopa, c'est-à-dire «le petit bois». Il faut dire qu'à cette époque, la Loi sur les Terres du Dominion permet à ceux qui ont obtenu les lettres patentes d'une concession dans l'Ouest avant la fin des années 1880 de choisir un second homestead. L'année suivante, M. Marcelin fait l'acquisition de plusieurs scrips récemment accordés aux Métis de la Saskatchewan et ajoute ainsi 1900 acres à son domaine. En octobre 1903, il construit une résidence de grandes dimensions sur sa terre; le hameau dont elle constitue le centre porte le nom de Saint-Albert. Mais pour éviter la confusion avec la ville du district de l'Alberta qui porte déjà ce nom, il accepte que l'on nomme l'endroit Marcelin.

Il érige aussi une autre maison, un magasin avec deux remises et d'autres petits bâtiments, en plus de faire clôturer un carreau de terre en fil de fer barbelé au coût substantiel de 200 $: il y garde une centaine de bêtes à cornes, huit chevaux et une quinzaine de porcs, tout en continuant la traite avec les Indiens. Pour les nouveaux arrivants qui partent en tournée d'exploration pour se réserver des terres, Antoine Marcelin ouvre une «écurie de louage», où l'on peut louer un buggy et un cheval pour quelques dollars par jour. Et pour ceux qui ont besoin de bois pour se construire une maisonnette sur leur homestead, il installe une petite scierie au nord du village. C'est d'ailleurs à ce «moulin» que l'on préparera le bois de construction de la première chapelle. Pendant ce temps, son épouse s'occupe de l'auberge-relais installée dans la grande résidence et où s'arrêtent les voyageurs et les immigrants. Antoine Marcelin consent aussi des prêts aux colons qui n'ont pas encore reçu leurs lettres patentes et qui ne peuvent donc emprunter sur hypothèque à la banque.

En 1905, il décide de se retirer des affaires et de vendre son magasin à un employé. Son vieux camarade, le père Mélasyppe Paquette, qui était entre-temps retourné au lac Muskeg, vient de mourir au cours d'un séjour en Nouvelle-Angleterre. Comme la région commence à se développer et qu'il faut établir diverses structures administratives, M. Marcelin consacre de plus en plus de temps aux affaires publiques. Il devient le premier commissaire de l'arrondissement scolaire formé en 1906 et qui porte son nom. Cette année-là, il est aussi élu premier syndic de la paroisse Saint-Albert-de-Marcelin. Il prêche par l'exemple en donnant 10 $ au fonds de construction de l'église; il signe aussi une note promissoire de 15 $, somme substantielle à l'époque.

Antoine Marcelin effectue plusieurs tournées de propagande en Ontario et au Québec, afin de recruter des colons pour Marcelin. En 1907, il entreprend un grand voyage à Rome et, au retour, il passe quelques mois en France, où il appuie les efforts des missionnaires-colonisateurs, surtout en Bretagne.

Lorsque le Canadian Northern construit une ligne de chemin de fer dans la région en 1911, le tracé l'amène à plusieurs centaines de mètres à l'ouest du village de Marcelin. Il semble donc sage de construire une nouvelle église et un couvent sur le nouveau site, mais l'unanimité n'est pas faite parmi les francs-tenanciers. Antoine Marcelin a offert 10 acres de terre sur l'ancien site et la somme de 3000 $ pour y construire un grand couvent. Même si l'on se range d'abord à son avis à l'automne de 1911, les francs-tenanciers renversent leur décision aux environs de Noël. M. Marcelin versera tout de même la somme promise. Cependant, il s'opposera toujours à la construction de l'église au village et il usera de son influence auprès de l'évêque, Mgr Pascal, sans pourtant obtenir gain de cause.

C'est à cette époque qu'il va s'établir à la mission du lac Muskeg, où il meurt le mercredi 14 juillet 1915.

(renseignements: History of Marcelin and District, Marcelin Historical Society, Marcelin, 1980; Dear Hearts and Gentle People, 1951, Keep the Torch Aglow, 1955, et Homestead Files, aux Archives provinciales; Le Patriote de l'Ouest, 15 juillet 1915, p. 4)





 
(e0)