Des gensAmbroise-Didyme LépineDuck Lake: Nous avons eu cette semaine, la visite de M. Ambroise Lépine, ancien adjutant de Riel. Malgré ses 72 ans, sa démarche est encore celle du fier militaire de 1870. Il était accompagné de M. Paradis, son petit fils. Le Patriote de l'Ouest le 2 mai 1912 Ambroise-Didyme Lépine n'a jamais reçu autant d'attention que d'autres personnalités impliquées dans les troubles au Manitoba en 1869-70, comme Louis Riel, Louis Schmidt et Thomas Scott. Toutefois, il est le chef militaire du gouvernement provisoire de 1869-70. C'est lui qui ordonne au lieutenant-gouverneur, William McDougall, de quitter le territoire de Rupertsland lorsque ce dernier veut en prendre possession au nom du gouvernement canadien. Enfin, Ambroise Lépine est président du tribunal qui condamne Thomas Scott à mort. Qui est Ambroise Lépine? Métis, il est né à Saint-Boniface le 18 mai 1840. C'est à cette époque qu'on voit de grands changements se produire dans le territoire de la Compagnie de la Baie d'Hudson. En 1849, par exemple, il y a eu l'affaire Sayer où les Métis ont gagné le droit de la libre traite et que la Compagnie de la Baie d'Hudson a perdu son monopole sur la traite des fourrures. L'arrivée de colons blancs «avec leurs idées contemporaines européennes concernant les relations interraciales, les classes sociales et la conduite personnelle»(1) poussent les Métis à se redéfinir. C'est dans cet environnement qu'Ambroise Lépine est né. Il est le fils de Jean-Baptiste Lépine, un fermier canadien-français établi à la rivière Rouge, et de Julie Henry, une métisse saskatchewanaise. Étant d'origine canadienne-française, Jean-Baptiste Lépine se distingue de ses compatriotes métis en devenant un fermier prospère dans une communauté qui est encore fermement orientée sur la chasse aux bisons. Ambroise est né à un moment où plusieurs patriarches métis et canadiens-français devenaient prospères et s'établissaient comme les chefs de la communauté métisse de la colonie de la rivière Rouge. Jean-Baptiste Lépine devient un de ces nouveaux chefs. Il inscrit son fils, Ambroise, au Collège de Saint-Boniface. «Le prestige apparent de la famille Lépine dans la communauté francophone de la rivière Rouge est renforci par le mariage d'Ambroise le 12 juillet 1859 à Cécile Marion, la fille du patriarche métis, Narcisse Marion. Ils auraient quatorze enfants.»(2) Avant les événements de 1870, Ambroise Lépine est propriétaire d'un lot de rivière près de la ferme de la famille Riel à Saint-Vital. Il est trappeur et chasseur de bisons. On dit de Lépine: «L'aventure politique pour laquelle il est connu semble être enracinée dans ses loyautés communautaires et sa relation avec Louis Riel, plutôt que dans une opinion articulée au sujet du fédéralisme canadien.»(3) C'est le 30 octobre 1869, à Saint-Norbert, qu'il se joint à Riel. Il arrive d'un voyage dans la région de Fort Pitt dans la vallée de la Saskatchewan. Le même soir, il se dirige avec quatorze autres Métis vers Pembina et la frontière américaine où ils doivent rencontrer William McDougall, le futur lieutenant-gouverneur. Le comité provisoire était plutôt mal organisé. Par exemple, aucun des quinze avait été délégué comme chef du groupe. En route, Ambroise Lépine devient le chef de mission. Le 2 novembre, il rencontre William McDougall sans trop savoir quel est l'objectif de la rencontre. Il le découvre seulement lorsque McDougall lui montre une lettre du comité provisoire l'interdisant d'entrer dans la colonie de la rivière Rouge et d'assumer son poste de lieutenant-gouverneur. Le lendemain, Lépine oblige McDougall à rebrousser chemin vers les États-Unis. À la suite de cet incident, il devient le chef militaire du gouvernement provisoire. Il oblige le docteur Schultz et les autres membres du Canadian Party à abandonner leur petite révolte le 7 décembre et au printemps 1870, il est président d'une cour martiale qui condamne le Canadien, Thomas Scott, à mort. L'exécution de Scott a lieu le 4 mars. Cette action ne plaît pas aux Orangistes de l'Ontario et par la suite, ils veulent la tête de Louis Riel et d'Ambroise Lépine. Lorsque Ottawa accepte de créer la province du Manitoba, le gouvernement organise une expédition qui doit se rendre à la rivière Rouge pour voir à la transition du territoire. Puisque la force expéditionnaire est composée de nombreux Orangistes, Ambroise Lépine et Louis Riel se voient obligés de fuire le pays et prendre refuge aux États-Unis. À cause de sa contribution au gouvernement provisoire de 1870, Louis Riel lui a dédié un poème qu'il a intitulé La Métisse. En voici un extrait: «Refrain: Ah! si jamais je devais être aimée Je choisirais pour mon fidèle amant Un des soldats de la petite armée Que commandait notre fier adjutant. Un des soldats de la petite armée Que commandait notre fier adjutant.» (4) Le compositeur manitobain, Dennis Connolly, a ajouté musique à ce poème et la chanson a été enregistrée par le groupe fransaskois, Folle Avoine, il y a quelques années. La semaine prochaine, il sera question de l'exile et des années de prison d'Ambroise Lépine, ses années à Forget en Saskatchewan et son importance dans la rédaction du livre Histoire de la Nation Métisse dans l'Ouest Canadien de A.-H. de Trémaudan. Lorsque l'expédition Wolseley arrive à Fort Garry à l'été de 1870, Ambroise-Didyme Lépine et Louis Riel doivent s'enfuir aux États-Unis. Au cours des trois prochaines années, les deux hommes se cachent dans les communautés métisses du Manitoba, du Dakota et du Minnesota, espérant toujours recevoir une amnistie du gouvernement de John A. Macdonald. En 1872, Riel et Lépine aident au lieutenant-gouverneur, Adam Archibald, à organiser une armée de Métis pour faire échouer un plan de conquête du Manitoba par un groupe de fenians irlandais mené par un ancien confrère, W.B. O'Donoghue. À cause de cet acte, Archibald offre 1 600 $ à chacun des deux hommes s'ils acceptent de quitter le pays. Bien sûr, Ambroise Lépine s'ennuie de sa famille et le 12 juillet 1873, il décide de retourner chez lui à la rivière Rouge. Il essaie de reprendre sa vie normale, mais il est arrêté le 16 septembre et accusé de meurtre (Scott). Il est traduit en justice en octobre 1874 et condamné à être pendu. Toutefois, le gouverneur-général du Canada, Lord Dufferin, commue la peine à deux ans d'emprisonnement et un forfait à vie de ses droits civils. En 1875, lorsqu'on lui offre un pardon s'il accepte de s'exiler pour cinq ans, il refuse, préférant terminer sa peine de prison près de chez-lui. Il est libéré le 26 octobre 1876. «Apparemment, il garde rancune au clergé catholique et aux Canadiens français qui ont, selon lui, failli de l'appuyer.»(5) La plupart de ses anciens amis ont quitté le Manitoba pour aller se réfugier dans le district de la Saskatchewan (Batoche, St-Laurent et St-Louis) ou dans le district d'Assiniboia (Fort Qu'Appelle, Montagne de Bois et Montagne de Cyprès). Il s'implique dans la vie sociale métisse au Manitoba, devenant le vice-président du cercle provincial de la Société St-Jean-Baptiste, mais il ne semble plus s'intéresser aux choses politiques. Quelques années avant la résistance des Métis à Batoche en 1885, Ambroise-Didyme s'établit à St-Louis où son frère, Maxime, est maintenant installé. Mais lorsque les troubles éclatent dans la vallée de la Saskatchewan en 1885, les frères Lépine ne partagent pas la même opinion (Maxime est un des forts partisans de Riel) et Ambroise retourne s'établir au Manitoba, sur une ferme à Grande-Pointe qui longe la rivière Seine au sud de Winnipeg. «Le malheur et un sens d'injustice semblent le pourchasser durant les années 1890. En 1891, un incendie laisse sa famille dépourvue et sans abri. Il déménage à Oak Lake pour vivre avec son beau-frère, Roger Marion. Il achète du terrain, mais plusieurs pauvres récoltes le laisse 'presque sans le sou'. Lorsque le curé de la paroisse meurt, la plupart de ses voisins francophones quittent et sont remplacés par des anglophones protestants.»(6) C'est au début du XXe siècle qu'il vient s'établir en Saskatchewan, à Forget près de Weyburn. Selon l'opuscule, Ambroise-Didyme Lépine, publié par le Manitoba Historic Ressources Branch en 1985, Lépine est de retour à Grande-Pointe en 1903 et ne serait déménagé à Forget qu'en 1907. Toutefois, dans le livre de la communauté de Forget, Tecumseh on the Prairies, on dit plutôt qu'il est arrivé en 1902. «En 1902, il a pris un homestead au sud de Forget, SW 28-7-7, près de la ferme de son fils.»(7) Son fils, Albert, était établi à Forget depuis 1898. À la suite de la mort de sa femme, Cécile, en 1908, Ambroise Lépine vend son terrain à Forget et s'achète une maison à Quibel en Ontario, une île dans le lac des Bois. Il s'implique avec l'Union nationale métisse Saint-Joseph de Saint-Boniface et essaie d'écrire l'histoire des Métis. Ne pouvant écrire lui-même cette histoire, il devient instrumental dans le recrutement d'Auguste-Henri de Trémaudan qui allait publier, en 1936, Histoire de la Nation Métisse dans l'Ouest Canadien. C'est probablement durant son séjour à Forget, qu'Ambroise Lépine a fait la connaissance d'Auguste-Henri de Trémaudan. La famille de Trémaudan est installée à Montmartre, environ 75 kilomètres au nord de Forget, depuis 1893. Ambroise Lépine est mort. Winnipeg: Ambroise Lépine, l'ancien adjutant général de l'armée du gouvernement Riel en 1869-70, vient de mourir à Kenora, à l'âge de 94 ans. Il était supposé être le dernier à connaître le lieu de sépulture de Thomas Scott, qui avait été exécuté à Fort Garry le 4 mars 1870. Le Patriote de l'Ouest le 22 novembre 1922 En publiant cet article, Le Patriote de l'Ouest se trompait, car Ambroise Lépine n'était pas encore mort. Il meurt à St-Boniface l'année suivante, le 8 juin 1923. Il était le père de quatorze enfants. Quatre de ses fils, Albert, Jacques, Narcisse et Edmond ont vécu à Forget. Une de ses filles, Cléophie, a vécu à Wawota en Saskatchewan. Qui était ce monsieur Paradis qui l'avait accompagné à Duck Lake en 1912? Il s'agissait de Louis Paradis qui avait marié la petite-fille d'Ambroise Lépine. (1) Manitoba Culture, Heritage and Recreation, Ambroise-Didyme Lépine, Winnipeg: Manitoba Historic Ressources Branch, 1985, p. 1. (Traduction) (2) Ibid., p. 2. (3) Ibid., p. 3. (4) Collège universitaire de Saint-Boniface, Au pays des Bois-brûlés, Saint-Boniface: Programme souvenir d'un spectacle, février 1977. (5) Manitoba Culture, Heritage and Recreation, Ambroise-Didyme Lépine, Winnipeg: Manitoba Historic Ressources Branch, 1985, p. 8. (Traduction) (6) Ibid., p. 9. (7) Tecumseh History Book Committee, Tecumseh on the Prairies, Stoughton (Sk): Tecumseh History Book Committee, 1985, p. 935. (Traduction) Sources: Collège universitaire de Saint-Boniface, Au pays des Bois-brûlés, Saint-Boniface: Programme souvenir d'un spectacle, février 1977. Manitoba Culture, Heritage and Recreation, Ambroise-Didyme Lépine, Winnipeg: Manitoba Historic Ressources Branch, 1985. Tecumseh History Book Committee, Tecumseh on the Prairies, Stoughton (Sk): Tecumseh History Book Committee, 1985. |
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