005: Captivité et procès de Louis Riel
Histoire abrégée de la fransaskoisie
Regina, Ville Centenaire
5e article
Captivité et procès de Riel
Après la défaite de Batoche, Riel avait bien réfléchi à ce qu'il allait faire. Il eut pu sans grande difficulté s'enfuir aux États-Unis, avec Gabriel Dumont. À son cousin Napoléon Nault qui le cherchait et l'invitait à prendre là fuite, il avait répondu: «Cousin, tu dois partir et essayer de traverser aux Etats-Unis, mais moi je vais me rendre. C'est à moi qu'on en veut et quand mes ennemis m'auront ils seront dans la joie; mais les miens seront tranquilles et ils auront justice. J'ai encore pour un jour ou deux à écrire, ensuite j'irai me livrer. Disons. nous adieu, cousin.»1
Empruntons encore à Henri de Trémaudan les lignes suivantes, tant elles sont en elles-mêmes éloquentes. «Riel se rendit le 15 mai 1885. Il fut conduit à Regina lé 23. Si Riel put avoir un instant l'espoir, pour lui et pour ses compagnons d'infortune, d'obtenir un semblant de justice, il fut bien vite désabusé. L'histoire de son procès est l'une des pages les plus honteuses de l'histoire de la civilisation en général et de celle du Canada en particulier. Même avec le recul du temps, on ne peut s'empêcher de rester stupéfait devant l'impardonnable crime politique que furent la condamnation et l'exécution de Louis Riel. De l'avis même du ministre de la justice du Canada au temps de la poursuite contre les accusés le procès de Louis Riel a soulevé une attention et un intérêt extraordinaires, non seulement dans le pays mais aussi à l'étranger, parce que, dit le ministre, on a senti pour la première fois, dans l'histoire du monde civilisé de cette époque qu'on allait punir de mort une offense qui n'était qu'un crime politique. Mais la cause véritable de 1a condamnation, ce n'était pas la révolte même du Nord-Ouest, mais ce fait, d'une importance autrement plus grande au point de vue de certains esprits tristement bornés, que Riel avait laissé accomplir en 1870 l'exécution d'un sujet des loges orangistes, Thomas Scott. Tel était le crime impardonnable qu'on reprochait au malheureux chef métis et qu'il lui faudrait expier de sa propre vie.»2
Le procès de RIEL était l'événement majeur qui se soit produit dans la nouvelle capitale du Nord-Ouest depuis sa fondation; il attirait beaucoup de curieux et de journalistes. Mais la consigne était sévère: aucun reporter ne pouvait interviewer Riel, et les autorités réussirent à les tenir tous à l'écart; tous, sauf l'astucieux fondateur et éditeur du Regina Leader, en mars 1883, Nicholas Flood Davin. Déguisé en, prêtre, Davin qui parlait français, réussit à entrer dans la cellule du chef métis, au nez et à la barbe de ses gardiens, et à obtenir du célèbre prisonnier une interview en français, qui lui fournit ainsi un «scoop» national; cette interview portait principalement sur la religion, et la mort.3
Assez peu de Canadiens français avaient cru en une condamnation à mort de Louis Riel; le cynisme et l'injustice qui avaient prévalu à ce procès, ainsi que la rigueur du jugement, avaient jeté la consternation un peu partout en dehors des milieux orangistes, et laissé un relent de dégoût. Même à l'étranger, la nouvelle de cette sentence fut accueillie avec surprise et étonnement. Ce fut d'ailleurs de la capitale britannique que parvint le premier télégramme demandant au gouverneur général du Canada la commutation de la peine de mort prononcée contre «Riel et ses associés». Il émanait du bureau de l'Association Internationale d'Arbitrage et de la Paix, 33, rue du Parlement, à Londres.4 Bien qu'aucune indication ne nous permettre d'évaluer le nombre d'adhérents à cet organisme, son intervention peut du moins être considérée comme une preuve de l'intérêt manifeste sur la scène internationale envers le procès de Louis Riel et aussi de la réprobation internationale quant au verdict de mort prononcé contre le chef des Métis.
Tous droits réservés René Rottiers
1 Histoire de la Nation Métisse, A.-H. de Trémaudan, pp. 343-345.
2 Ibidem, pp. 343-345.
3. Regina: The Queen City, Earl Drake, p. 42.
4. Extrait du compte-rendu du procès de louis Riel, p. 243. (Document aimablement fourni par M. Rolland Pinsonneault).
Photo: Louis «David» Riel. Reproduit du livre The Saskatchewanians, p. 53.